L’audition de demain inclura des seniors de l’année 2050. Dans un avenir pas si lointain, les 18-25 ans d’aujourd’hui seront les aînés de demain. Sans aucun doute, des progrès médicaux ont été réalisés dans le domaine de la thérapie génique, mais les personnes âgées d’aujourd’hui peuvent-elles comprendre leurs aînés de demain ? Malheureusement, les études les plus récentes dont nous disposons et notre propre expérience clinique et de terrain lors des tournées Agir pour l’Audition nous amènent à avoir des doutes. Les 18-25 ans d’aujourd’hui courent un risque qu’il ne faut pas minimiser : celui de devenir la première » génération sacrifiée « , ayant perdu une partie de son audition au plus haut niveau de la musique.
De nombreuses études menées ces dernières années ont confirmé ce que le bon sens nous dit : les habitudes d’écoute de la musique risquent de créer des traumatismes auditifs qui ont des effets à court terme et immédiats (acouphènes, hyperacousie, etc.) et qui peuvent prédire des effets à long terme plus graves que le simple presbyacousis » naturel « , le déclin progressif de l’écoute après 65 ans. Concerts et événements avec un contenu excessif en décibels, entendus via un casque à un niveau trop élevé pendant de trop longues périodes… Plus d’un milliard de jeunes dans le monde risquent de développer une déficience auditive en raison de leur exposition à la musique, selon l’OMS. Par ailleurs, ce printemps, Agir pour l’audition a dépisté 1 618 étudiants âgés de 17 à 28 ans dans les universités parisiennes. Ainsi, sept personnes sur dix avaient reçu des acouphènes, mais la majorité d’entre elles n’ont rien fait car elles ignoraient l’avertissement et les effets à long terme que cela pouvait avoir, croyant que « ça allait passer ».
Des actes de nature dangereuse
Qu’en est-il de ces nouveaux comportements à risque ? L’arbitrage délicat entre plaisir et risque est une constante chez les jeunes, qu’il s’agisse du rock, de la cigarette, de la moto… Le Walkman, quant à lui, est disponible à l’achat depuis 1979. La prévalence du son numérique pourrait être en partie responsable de ce changement. L’aspect « cool » du casque (le rappeur Dr. Dre a gagné des millions en vendant sa marque de casque à Apple), le niveau contrôlé uniquement par l’auditeur et la facilité d’écouter de la musique « tout le temps » grâce au streaming contribuent à augmenter le volume sonore et la durée d’exposition. A 90 à 100 dB (plus qu’un marteau-piqueur !), le niveau d’écoute du casque est souvent proche du seuil de danger, et la durée d’exposition peut être infinie (on s’endort souvent » au casque « ). C’est cette combinaison de durée et d’intensité qui endommage définitivement les cellules ciliées – les cellules de l’oreille interne qui traduisent les vibrations sonores en impulsions électriques que le cerveau traite.
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L’écoute prolongée use l’oreille et épuise les réserves d’énergie des cellules. Se reposer au calme est le meilleur moyen d’éviter les « lendemains de fête » qui s’éternisent. Le pire, c’est le traumatisme sonore, qui revient à faire éclater les cils de la cochlée. Et il n’y a rien qui puisse être réparé dans l’oreille, du moins pas pour le moment – nous espérons que cela changera dans un avenir proche.
Il est temps de se préparer à l’audition
Comme pour l’exposition au soleil – qui a aussi produit une génération sacrifiée dans les années 1970, les années « graisse à traire » – s’exposer trop longtemps, à des heures trop intenses, sans protection, à la troposphère sous la pression sociale et le « cool » est un risque majeur.
Toutes ces données montrent que l’urgence du problème s’accroît, paradoxalement plus pour les jeunes que pour les personnes âgées : si le taux d’utilisation des seniors, encore insuffisant, a progressé en une décennie, il a permis de maîtriser les dégâts cognitifs de la presbyacousie, mais les pratiques d’écoute des jeunes se sont intensifiées. L’audition de la population française pour demain commence ce soir par un concert et se poursuit aujourd’hui par une sortie dans le métro. Et il est si simple de se protéger de la bourrasque des acouphènes, des malentendus dans le groupe et du bruit.
Il est temps d’agir pour l’audition : se documenter, sensibiliser, engager des campagnes de » marketing des idées » auprès des jeunes, comme l’ont fait avec foi et efficacité les écologistes et les alter mondialistes. Une bataille bien plus difficile, celle contre le tabagisme passif, est en train d’être gagnée ; nous devons faire de même pour nos enfants. Ne laissez pas les jeunes d’aujourd’hui perdre les plaisirs auditifs de demain. Quand le passé est passé, il est facile de s’apitoyer sur son sort ; quand l’avenir est passé, il est difficile de s’apitoyer sur son sort.